Le pourquoi du comment, sans édulcorant.

L’idée de ce texte est de poser les mots une fois pour toutes sur la genèse de ce projet. Si j’écris les mots qui vont suivre, ce n’est pas pour me lamenter : je suis tombée et me suis relevée. La page, ces pages sont tournées depuis bien longtemps.
Si j’écris les mots qui vont suivre, après de longues hésitations, c’est pour expliquer comment est arrivé ce blog.
Paul Eluard disait « il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous ». J’en suis convaincue. Il n’y a pas de hasard : toxiques, seulement gris ou au contraire heureux, il n’y a que des rendez-vous. Mais comme toutes les histoires ont un début, commençons par le commencement.

Voilà plus de 4 ans 1/2, direction Bordeaux suite au transfert de mon poste d’alors. Issue d’un milieu très modeste, j’ai grandi pour faire des études et avoir un métier, élevée dans l’idée qu’il fallait être indépendante. Je n’avais pas failli de la fin de mes études universitaires jusqu’en 2018.
Il y a 2 ½ ans, mon monde s’est effondré. Après 6 ans de contrat dans une grande collectivité, il a été décidé que l’aventure se terminait pour moi. Sans explication. Rien.

Je sais : chaque jour, des centaines de personnes vivent cette situation. Mais tant qu’on ne l’a pas directement vécue, on ne peut imaginer la violence du choc, quand rien ne laissait présager une telle décision. Le traumatisme que peut causer cette décision, quand la veille encore on prévoyait les projets du service pour l’année à venir, est inimaginable pour qui ne l’a pas vécu.

J’étais mon job : il me correspondait à 3000%. Cataclysme, tsunami. Impuissante, j’ai pris cette décision de plein fouet. Oui, j’ai été en état de choc post-traumatique. Mais ça n’a pas vraiment d’importance, tant que l’on continue de sourire et de répondre poliment, pas vrai ? A l’époque, personne ne s’en est soucié. Moi non plus. Il y avait les formations, les objectifs politiques, les enfants, les çi et les ça, les esquives bidons et les bonnes excuses. Chacun sa vie, chacun ses problèmes, j’ai essayé de retenir la leçon.

Disposer de trois mois pour chercher un nouvel emploi ou se faire à l’idée du chômage qui guette n’est guère utile : le choc est tel qu’il ne permet pas d’être pleinement soi-même lors de cette période.

Chô-mage. Vilaines syllabes à bannir du langage. On ne nous apprend jamais à affronter ce genre d’épreuve. Les universités devraient proposer des stages commandos ou des TD du type « Garder son calme face au conseiller Pôle Emploi » ou « Néo-chômeur : apprendre à vivre dans un autre espace temps que son entourage ».

Aujourd’hui, j’ignore encore comment j’ai tenu face au conseiller qui me demandait de lui donner les modèle de mes cv et lettre de motivation « parce que ceux de Pôle Emploi ne sont pas si bien ».
Il venait tout de même d’opposer une fin de non recevoir à mon programme de formations : « Enfin, avec vos diplômes, on ne peut pas vous financer une formation, mademoiselle ! Et j’imagine que vous ne voulez pas vous diriger vers un métier qui pourtant recrute : métreur, plombier, etc.». Bravo, bonne imagination, monsieur le Conseiller. Et mes droits d’auteur, on en parle ?

Autre sanction, l’entourage. Une sinistre occasion me retirait par la même occasion une partie de mon identité, mes repères et également mon entourage. Subitement, je n’avais plus la même temporalité que mes amis. Certains se sont faits plus que rares.
D’autres me renvoyaient une image qui m’était insupportable, entre gêne et pitié. Et que penser de ces messages « on se croisera sûrement bientôt » ?! Le temps a fait le ménage ; 2 ans plus tard, ces « bientôt » ne se sont jamais concrétisés. Il est vrai que Bordeaux est une mégalopole incroyablement dense… Non, en fait, je m’en porte très bien.

« Garde dans ton giron l’or précieux de l’amitié / Aucune histoire de kilomètre, même si l’oubli est un coma / Nos morceaux d’vie communs, voici la seule richesse qu’on ait  »

Lucio Bukowski, Stalker, Requiem/Nativité

Bukowski n’a pas tort. Cependant, j’hésite sur le coma de certains…

J’ai beaucoup relu Shakespeare à cette période, Othello pour commencer. Il y a peu de situations où Shakespeare n’agit pas comme un baume ou comme un guide (à l’époque, l’autre alternative était de revoir le Parrain…).

Chô… Je n’avais plus rien. Et pire, j’avais l’impression de n’être plus rien. Je suffoquais.

Je me suis tournée vers Internet. Comme il me faut toujours tout comprendre, j’ai cherché des explications, des solutions, des conseils, une méthodologie en quelque sorte. « Comment ne pas peser sur son entourage quand on est au chômage », « comment rester appréciée en étant au chômage », « pourquoi évite-on les chômeurs », etc. Tenace est l’habitude de vouloir se fondre dans le décor et de ne pas vouloir gêner…
Sites de cabinet de recrutement, blogs affiliés à des marques ou autres sociétés parfois obscures se succédaient sans fin. Mais rien qui soit bienveillant et constructif, rien sans arrière pensée commerciale.

Ceux qui me faisaient le plus hurler étaient les blogs de « conseils avisés» de personnes qui avaient bénéficié d’un pécule ultra confortable pour se « réorienter » ou qui n’avaient clairement pas besoin d’un salaire pour vivre. De là, a commencé à germer l’idée d’un blog alternatif qui répondrait à ce que je n’avais pas trouvé quand j’en avais besoin.

Au bout de 3 semaines, des amis m’ont signalé un poste vacant dans une société ; l’entretien a débouché sur un emploi alimentaire, après avoir accepté un certain nombre de compromis – parmi lesquels l’abandon de mon métier. N’importe quoi me semblait préférable au marasme du chômage, aux idées très grises et aux discussions naissantes avec mes placards.

Emportée par la reprise de ma vie professionnelle et de nouvelles activités annexes, le projet de blog s’est rangé dans un tout petit coin, mais pas loin pour pouvoir y penser de temps en temps.

On ne fait pas assez attention à ces petits signes avants-coureurs qui nous sont adressés avant les Rendez-Vous avec le Destin (choisissez le terme qui sied à votre philosophie de vie, si Destin n’est pas le bon) : un job alimentaire pesant, l’impression que le sort s’acharne sur mes proches et moi, la difficulté à surmonter un deuil, le départ de Bordeaux de ma prof de yoga et me voilà à la recherche d’un nouveau studio de yoga pour tenter de survivre à tout ça…

Mon inscription au Satnam Club relève vraiment du has… d’une histoire de studio pointilleux sur les horaires, du tram B en retard et au départ, de mon refus d’aller au Satnam. Il n’y a pas de hasard, c’est vrai. J’ai évité le lieu autant que possible, tout m’y a ramené.

Et si ? Et si mon ancienne prof n’avait pas quitté Bordeaux ? Et si ce samedi matin-là TBM n’avait pas été en panne ?! ( si, si, rarement, il arrive que la ligne B fonctionne). Et si j’étais restée sur les on-dits et mes a priori ?

Et. Si. Avec des si, on mettrait Bordeaux en carafe pas vrai ? Ou Arca’ sur une pinasse.

Oui, c’est certain, il n’y a pas de hasard. L’année dernière en janvier, si n’importe qui m’avait raconté ce qu’il allait se passer, je n’y aurais pas cru un instant…

Si je n’étais pas allée à Satnam ? après un certain cours, je n’aurais pas pu avoir cette discussion « encourageante » un mercredi ensoleillé de février en descendant la rue Vital Carles, discussion conclue sur un câlin boogiewoogiesque (merci Anouk !).

Si je n’étais pas allée à Satnam ? cet appel dans le tram, un matin en allant au bureau n’aurait jamais eu lieu. Appel d’une bonne trentaine de minutes pendant lesquelles mon Gémeaux-10%-de-compatibilité n’a eu de cesse de me convaincre de refuser une proposition de collaboration « mais complètement déconnante, tu te rends bien compte ? Il va retirer tous les bénéfices de ton travail !». J’étais stupéfaite : dans sa vie archi bookée, ma récente copine de tapis avait pris la peine de réfléchir à la situation et m’appelait pour me donner son avis, largement et solidement étayé.

A la fin de la conversation, je me souviens avoir quand même demandé par prudence (nous sommes un peu blondes toutes les deux, mais elle plus que moi) « mais, heu, tu ne m’appelais que pour ça ?  – bah oui, évidemment ! ». Voilà. Bah, oui, évidemment.
Ce jour-là, j’ai raccroché les yeux pleins de larmes. Ce jour-là, j’ai compris que mon projet de blog allait sortir du petit coin où je l’avais enfoui, pour devenir une réalité : tant pis si je ne sais pas écrire, tant pis. Pour le pire comme le meilleur, tant pis pour les critiques et les méchancetés, j’essaye.
J’ai entendu quelqu’un dire un jour « si tu n’échoues pas, c’est que tu n’essayes pas ». Alors, je prends le risque d’essayer.

Dérouler le fil me fait constater que cette épreuve n’avait peut-être qu’un but : organiser un grand ménage dans ma vie – une tornade serait plus juste – en me faisant prendre conscience de la valeur de certaines personnes et de certaines choses. Les personnes qui n’y avaient pas leur place n’y sont plus et ont laissé enfin entrer des gens inspirants, doux et bienveillants. Mes Mousquetaires sont toujours là, elles. Merci.

Bien que secouée par ces changements et challengée par l’aventure du blog, j’envisage ce nouveau départ sous un autre œil. C’est bon de se sentir bien, à sa place, là ici et maintenant.

L’écriture ouvre les portes, abat les cloisons. C’est une pratique bienfaitrice, un onguent vital qui resserre la mémoire et permet les ligatures avec les absents.

Édouard Galby-Marinetti

Je ne me prétends pas écrivain ni journaliste ni « créatrice de contenus ». Et je n’en ai pas la prétention. Comme me l’a fait remarquer quelqu’un dans une autre vie, je ne sais pas écrire : c’est évident puisque ce n’est pas ma formation.

Mon seul désir est de créer un espace de partages autour de thématiques qui m’importent et avec ces êtres inspirants et brillants qui m’entourent aujourd’hui.
Nos origines, nos études, nos parcours professionnels, nos situations familiales sont pour le moins différents (10% de compatibilité, vous vous souvenez?). Et pourtant, leur proposer de prendre la parole sur l’une ou l’autre des thématiques du blog a été une évidence.
Régulièrement ou moins souvent, écrire sur un ou plusieurs thème(s), il n’y a pas de règle. Enfin si, une seule : que l’expérience d’écriture soit un plaisir.

En attendant, sans être des néo-gourous 3.0, ici nous avons des choses à dire. Pas de recettes miracles, pas de prescriptions doctrinaires ni d’articles de personnes Instafabulous, même si ma bande est à mes yeux super fabuleuse ! mais de l’indépendance de ton et de propos.

Coups de cœur ou coups de gueule, avis sur les restos ou retours sur une lecture, nous avons des choses à dire, à partager mais en bonne intelligence, pour ouvrir le débat sans se battre.
Ici, il sera question de nourriture physique et de l’esprit donc, de voyages, de yoga, d’actus d’ici, de là ou d’ailleurs, de bien-être et peut-être un peu de spiritualité, de nos moments de vie, de nos transitions. De partages en fait.

Dans l’excellente revue Esprit, Édouard Galby-Marinetti écrivait en novembre dernier2 :
L’écriture ouvre les portes, abat les cloisons. C’est une pratique bienfaitrice, un onguent vital qui resserre la mémoire et permet les ligatures avec les absents. Elle rompt la dictature mentale de l’enfermement en éveillant à la fois le monde extérieur à la conscience et le monde intérieur que le quotidien troublé, haché, cisaillé peine à manifester en nous. La mort, la maladie, la violence, l’impuissance suscitent en nous une impression de clôture, d’écrasement, elle vous tient dans un puits. S’il fallait une comparaison, le carnet apparaîtrait comme une courbe dans le continuum espace-temps. Il est une occasion de travail sur soi, de réorientation et de redécouverte de la réalité que l’on croit perdue et qui bat autour de nous.

C’est exactement l’objectif de ce blog ! ouvrons les portes et abattons les cloisons, éveillons-nous, travaillons sur nous, réorientons-nous et surtout, redécouvrons la réalité car tout n’est pas perdu !

A très vite,
V.

PS : Je n’ai pas donné suite à la proposition de collaboration. Bah, oui. Évidemment ;-D

1 Ecrire, Témoigner, communier, Édouard Galby-Marinetti, Esprit, Nov. 2020

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